Je lui avais demandé de m'accompagner, juste comme ça, juste par sécurité, de peur d'etre possédé. Même si ma démarche n'avait à la base aucun rapport avec elle, j'avais vite compris qu'elle pouvait en prendre le chemin trop rapidement. Il faut dire que je n'étais ici pas chez moi. C'était ses terres, il s'agissait de sa vie. Et quand on s'aventure en des terres ennemies, il faut mieux être bien armé et avoir une bonne complicité.
J'avais donc pris la route avec le coeur léger, je pensais à Lo, toujours à Lo. Elle n'avait pas tenue à m'accompagner, je ne désirais pas encore la voir se faire draguer, et ne savait-on jamais, si Célia croisait mon chemin, je préférais un duel sanglant -sensuel- dont nous saurions les seuls à être témoins. Lo gardait ainsi le lit chaud, et me donnait un espoir de survie en ce monde tout gris. Je m'approchais en effet de la zone de conflit.
Les voitures convergeaient vers ce point. Les familles allaient remplir leur frigo, les couples achetaient de nouveaux rideaux, les matérialistes un nouveau portable, et les séducteur un nouveau jean délavé Célio. Il faut dire qu'à Vélizy, il y en a pour tout le monde. Ce centre commercial pourri, peu agréable et difficile d'accès attirait un belle quantité de fous, qui n'ont sûrement rien d'autres à faire de leur week-end que de s'attirer la lumière de néons.
Les dernières fois que j'étais venu ici, c'était avec elle, main dans la main, yeux dans les yeux, comme de jolies amoureux, que nous n'étions pas. Les fois précédentes, c'était pour les portes ouvertes, et mon inscription en DUT, "j'ai eu mon bac lalalala".
Ce lieu n'a réellement rien d'attirant, le gris contraste avec le noir et le marron, loin des couleurs vives, pétantes et modernes de mon établissement de séjour. Mais il faut se résigner, chercher une orientation, et dans le genre, j'ai fait ce qu'il y a de moins compliqué, le plus proche de ce que je fais actuellement et le plus proche de la maison. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
Quelques étudiants sont là, des lycéens aussi, et leur parents également. Une jeune fille, bonne et charmante, cherche des infos sur SRC, je lie le contacte, discute avec elle, prend son numéro "au cas où elle souhaiterait de plus amples informations". Je ne serais pas venu pour rien.
Les étudiants en licence m'informent, c'est leur rôle : "L'ambiance est bonne, les cours supers, les projets géniaux, le matériel terrible, et les profs claquent trop." Là, on ne peut pas leur reprocher de mal me renseigner. Je fais un tour, louche sur quelques projets, croise quelques visages connus, puis sort de ce lieu qui ne m'inspire que le slogan "métro, boulot, dodo."
Dans le ciel, le soleil brille, il tape même, mais malgré sa force, il ne parvient pas à atteindre ce lieu gris, triste, froid. Nous sommes dans un monde de centre commercial frigide, d'entreprise cotés en bourse, d'autoroute, de voies ferrés, de violence, de vulgarité, de casquettes et de haine.
Un peu de gazon me fait coucou, mais pour l'arbre, ça ne sert à rien de chercher.
De retour à la voiture, un mot est plié sous l'essuie-glace. "De retour ? Que fais-tu ce soir ? Je m'ennuie, j'ai envie que quelqu'un me prenne (dans ses bras). Appelle-moi. Célia."
Je regarde autour de nous, l'imagine me scrutant, s'assurant que son mot est arrivé à destination. La voiture a changé, je suis garé loin de l'établissement, et pourtant elle m'a trouvé. Peut-être le département sur la plaque me dis-je...
Je n'en reviens pas, je pose mes fesses sur la capot, le soleil me parvient maintenant. Je passe le mot à Fred, il me tend une clope, en partage une avec moi, et attend mon ordre de départ, que je me sois remis.
D'une certaine façon, j'ai trouvé ce que j'étais venu cherché. Mais en avais-je vraiment envie ? Je la désire bien sûr, mais je ne suis pas persuadé de vouloir jouer, encore.
à 13:35