La puissance de la révolte d'un enfant dans un corps d'adulte

Ce matin, mon berret sur la tête, de retour de la boulangerie, ma baguette à la main, je fus étonné de croiser tant d'étranger, notament asiatiques, sur mon chemin. L'un d'entre eux, même, s'arrêta, appareil à la main, me demandant de prendre la pose. J'avais beau chercher, je ne voyais aucun sommet de Tour Eiffel à l'horizon. Pouvaient-ils s'être égarés pour avoir attéris quatre cent kilomètres plus au sud, en Charente ?

La scène aurait pu se passer comme au-dessus. La réalité s'en approche, mais parait tout de même bien éloignée.
Ce matin, mes cheveux gras de crasse sur la tête, les idées dans mes souliers Nike, le tout agrémenté par une sauce de nuit trop courte, je fus très agressé par la quantité de touristes qui croisaient mon chemin matinal. Le touriste est une espèce peu difficile à repérer ; le nez en l'air, l'air bête, l'appareil autour du cou, la bêtise de tout prendre en photo, et une tronche de japonais (Quoi ? Asiatique ?... oui si tu veux !) ou d'américain, mais pas la même tête que ceux dans le film du dimanche soir.

Après que j'ai pu retrouver ma voiture au milieu de tout ces trucs ambulants, je perdis patience au carrefour suivant, où une masse de personnes coupait ma voie et paressait refuser que je coupe la sienne... c'est ce qu'on appelle traverser la rue. Ils étaient d'ailleurs certains que nous n'étions pas près de la grande tour de monsieur Eiffel, sinon il est certain qu'un excité m'aurait déjà klaxonné au cul ou écrasé quelques australiens ou japonais, bien disociable parmis les autres car observant le mauvais côté de la chaussée avant de traverser.
Mon enquête avança, quand, après dix minutes d'attente, je pris conscience que tous ne tenaient pas en main une mini Eiffel Tower, mais de grands livres tout plats, très colorés. Je n'en avais jamais vu des comme ça, je m'imaginais lire du Philippe Djian dans ces grands livres bretons (plat comme une crêpe).

Ayant perdu espoir d'avancer dans ma voiture, je décida de le faire dans mon enquête. J'immobilisai le véhicule afin d'aller interroger mes suspects :
- Pardon, c'est quoi ça ?
- What ?
- Ah ! élo ! Mi, inspecteur Pix ! A frensh Colombo... Co-lom-bo ! Endeurstande ?
- ...
- Putain on est pas sorti ! C'est quoi ça ?... Watt iz zitte ?
- ...
- Watt iz ze gritte plane book ?
- Ah ok ! It's a pédé.
- A PD ? A gay ? An homosexuel ?

Chaque année, à la même occasion, c'est la même chose. Une pelletée de con vient ici parler BD, toutes la presse choisit que c'est la semaine de la vignette et de la bulle (comme il existe la semaine de la sécurité routière, la semaine de la femme, ou la semaine du 4x4) et débarque donc ici se les geler fin janvier à Angoulême. (oui, car au mois de janvier, à Angoulême, tu ne bronzes pas)
Il faut dire que fin juin, c'était déjà pris. La presse est déjà à cannes à se faire rotir la rondelle parmis des connes. Et que quand il fait chaud, c'est mieux  d'être au bord de la mer d'abord (hors pour les tebés en géographie, Angoulême n'est pas au bord de la mer. Cannes, si !)

Pour sa communication, voici quelques années, les dirigeants d'Angoulême ont eut une super idée :
- "Angoulême, la ville des festivals." Ca claque non ?
- Ouais, mais on n'a pas de festival !?
- Attends, on peut faire un festival sur....
- La bouffe (dit Clotaire qui est un gros copain qui mange tout le temps)
- Oui, cool, appelons cela les... Gastronomades (dit Rufus)
- On peut aussi en faire une sur les jouets... Ludoland ça pourrait s'appeler.
- Ok.

Mais malheureusement, le chef du bureau de l'administration des slogans de ville refusa la proposition, peu pertinente à son goût. Les bigs boss de la ville aux remparts appelèrent donc le service des festivals à la rescousse.
- Il nous faut un festival interessant, maintenant !
- J'ai le Festival des Dompierre de France, mais il faudrait renommer la communce Dompierre sur Angoulême.
- Pas possible.
- Nous avons le festival de la BD. Ces connards de belges nous emmerdent avec Hergé, on pourrait les faire chier avec de mauvais bédéistes français. 
- Ce n'est pas très interessant !
- C'est tout ce qui nous reste, c'est à prendre ou à laisser.
- C'est quelle période ?
- Fin janvier !
- Ce n'est pas une très bonne période, il fait froid.
- Oui, mais vous pouvez réutiliser les décorations de noël !
Persuadés, ils signèrent. Ne restez plus qu'à trouver un nom à l'évènement :
- "Festival international de la bande dessinée d'Angoulême" Ca déchire, non ?
- Pourquoi international ?
- Pour les américains et les japonais, ils ont pleins de tunes à claquer.
- Ok !

C'est ainsi que furent réalisés des murs peints avec pour thème la BD, que les rues prirent le nom de dessinateur, que la tronche d'Hergé s'afficha fièrement dans le centre ville, et que des américains et japonais envahirent la cité charentaise, pour la plus grande joie des artisans et commerçants, ainsi que pour celle de la pelouse massacrée du jardin de l'hôtel de ville.