La voiture sort du tunnel de Saint Cloud. Un peu triste de la fin de week end, je jubile de quitter Paris. De me doucher, me débarasser de toute la crasse déposée sur moi. Vider mes oreilles de toutes les violences sonores qu'elles ont reçu. Laver mes yeux de tout ce qu'ils ont eut à subir.
Jeanne m'appelle, je décroche. Je jongle entre le téléphone et le volant. Je change de file, pas de clignotant, j'ai compris les coutumes du lieu. La voiture devant est à moins de cinq mètres. En trois jours, j'ai réapris le mode de vie de la grande ville. Elle me demande quand je la vois, je lui explique que nous en resterons ainsi. Elle semble égarer, me reparle de la douceur de la nuit, se met doucement à pleurer. En enfin, me traite de salaud. Je pense plus à "connard".
J'ai la sensation de gâcher ce qui m'est offert pour répondre à des rêves de romantismes et de vie bohême. Fuir une fille parce qu'elle a couché dès le premier soir. Vouloir désirer, vouloir jouer le jeu de la séduction, se promener dans Paris, sur l'île de la Cité, sur les quaies de Seine, malgré les trois degrés extérieur... peut-être un jour devenir cohérent. Désirer vivre l'amour adolescent.
Ne voir que de grosses voitures, la mienne semble un tas de boue à côté. Les BMW, Mercedes, Audi, Mini ou même Ferrari, Bentley, Hummer ou Porsche déambulent dans la ville, bien loin du parc automobile de R5, 309 ou BX de ma région de résidence. L'envie de vivre là, de posséder une belle caisse, d'habiter un loft intra-muros. Constater que déjà c'est foutu, que ces plaisirs ne me seront pas destinés et sont réservés à un autre. Nous croisons un bourgeois-bohème, la crainte d'avoir la honte de lui ressembler. L'attirance de s'en différencier, mais aussi d'être similaire.
L'attirance d'avoir cette vie car je sais que je ne l'aurais jamais. Ne jamais se sentir seul dans une ville où une telle masse humaine sort des sous-sols.
La voiture file sur la nationale 10. La même que celle que je dominais pour aller au lycée, qui va être enterré bientôt, mais 350 kilomètres plus au sud. La musique comble le vide. Il n'y a plus personne à coller, aucune necessité de tourner la tête pour changer de file. Sa main ne s'offre plus à la mienne.
La voiture rentre rapidement à la "maison" tandis que mon coeur, lui, vogue doucement dans un autre décor. Dans un univers de cinéma français d'auteur, dans celui de Clara, dans ce monde qui n'est peut-être beau et pavé que dans les films.
C'est une ville de carte postale, où les gens qui y vivent s'imagine dans le téléviseur du reste de la France, qu'y d'ici paraît bien loin et insignifiante. Une ville à voir, mais à fuir au bout de trois jours... Une ville à visiter, mais pas à vivre,... comme beaucoup, non ?
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